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Maison de la parole libre

VIDÉO

L'angoisse de Milan Kundera

2021-01-29

« Je n'ai aucune envie de parler de la littérature, de son importance, de ses valeurs. Ce que j'ai à l'esprit en ce moment, c'est une chose plus concrète : la bibliothèque. Ce mot donne, au prix que vous avez la bonté de m'accorder une étrange note nostalgique ; car il me semble que le temps qui, impitoyablement, poursuit sa marche, commence à mettre les livres en danger. C'est à cause de cette angoisse que, depuis plusieurs années déjà, j'ajoute à tous mes contrats, partout, une clause stipulant que mes romans ne peuvent être publiés que sous la forme traditionnelle du livre. Pour qu'on les lise uniquement sur papier, non sur un écran. Cela me fait penser à Heidegger, au fait apparemment paradoxal que, lors des pires années du XXème siècle, il se concentrait dans ses cours universitaires sur la question de la technique, pour constater que la technique, son évolution accélérée, est capable de changer l'essence même de la vie humaine. Voici une image qui, de nos jours, est tout à fait banale : des gens marchent dans la rue, ils ne voient plus leur vis à vis, ils ne voient même plus les maisons autour d'eux, des fils leur pendent de l'oreille, ils gesticulent, ils crient, ils ne regardent personne et personne ne les regarde. Et je me demande : liront-ils encore des livres ? c'est possible, mais pour combien de temps encore ? Je n'en sais rien. Nous n'avons pas la capacité de connaître l'avenir. Sur l'avenir, on se trompe toujours, je le sais. Mais cela ne me débarrasse pas de l'angoisse, l'angoisse pour le livre tel que je le connais depuis mon enfance. Je veux que mes romans lui restent fidèles. Fidèles à la bibliothèque. »

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La Plaisanterie
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